Photo couverture 04

Marc, 38 ans, est le benjamin d’une famille nombreuse et très accomplie. Son père est un chirurgien renommé, sa mère, une pianiste de concert, et ses deux sœurs aînées sont respectivement avocate et chercheuse en biologie moléculaire. Dès l’enfance, Marc s’est toujours senti en décalage. Contrairement à ses sœurs qui excellaient dans leurs domaines, Marc avait des notes moyennes et préférait bricoler ou dessiner dans son coin.

Pourtant, à chaque repas de famille, il se sentait poussé à montrer qu’il était “quelqu’un”. Alors, un jour, il inventa une histoire : il prétendit avoir décroché un poste prestigieux dans une grande entreprise de design. L’approbation qu’il reçut fut immédiate. Sa mère le félicita chaleureusement, son père se montra enfin fier de lui, et ses sœurs lui jetèrent des regards admiratifs.

Mais jouer ce rôle d’imposteur devint rapidement lourd à porter. À chaque réunion familiale, on lui demandait des détails sur ses projets, ses collègues, ses voyages professionnels. Alors, pour alimenter l’illusion, il s’inventait des anecdotes impressionnantes : des collaborations imaginaires avec des designers célèbres, des prix qu’il aurait reçus, des voyages qu’il n’avait jamais faits.

En réalité, Marc travaillait comme vendeur dans un petit magasin de fournitures artistiques, un emploi qu’il aimait mais qu’il jugeait indigne aux yeux de sa famille.

Ce double jeu finit par le ronger. Il se sentait piégé entre son besoin de reconnaissance et la peur d’être découvert. Le regard admiratif de sa famille était une source de réconfort narcissique, mais chaque mensonge creusait en lui une angoisse plus profonde. Il vivait avec une double culpabilité : celle de mentir à ses proches et celle de ne pas correspondre à l’idéal familial.

Lors d’un dîner, sa sœur aînée, toujours curieuse, lui demanda soudain :

– “Tu pourrais me montrer un de tes projets ? J’aimerais tellement voir ce que tu fais !”

Marc, pris au dépourvu, bafouilla une excuse :

– “Oh, je n’ai rien sous la main, tout est confidentiel pour le moment.”

Mais ce soir-là, en rentrant chez lui, il sentit l’étau se resserrer.

Après des mois d’angoisse, Marc décida d’affronter sa famille. Lors d’un repas, il prit la parole, la voix tremblante :

– “Je dois vous avouer quelque chose. Je ne travaille pas dans le design, je n’ai jamais décroché ce poste. Je travaille dans un magasin d’art. J’aime ce que je fais, mais j’ai eu peur que ça ne soit pas assez pour vous.”

Sa confession fut suivie d’un silence pesant. Son père fronça les sourcils, sa mère sembla déçue, mais ce fut sa sœur cadette qui brisa le silence :

– “Marc, tu n’avais pas besoin de mentir. Ce qui compte, c’est que tu sois heureux. Pourquoi as-tu cru que nous te jugerions ?”

Analyse psychanalytique

Marc vivait un complexe d’infériorité face à sa famille, renforcé par un surmoi exigeant, intériorisant les attentes implicites d’excellence. Son imposture était une tentative de combler un manque narcissique : être validé pour quelque chose qu’il ne se sentait pas capable d’atteindre réellement.

Sa confession, bien qu’angoissante, lui permit de sortir du cycle de la dissimulation et de rétablir une relation plus authentique avec sa famille. Elle ouvrit aussi la voie à une réflexion sur la manière dont ses proches, malgré leurs intentions, avaient contribué à son sentiment d’inadéquation en établissant un standard implicite qu’il ne pouvait pas atteindre.

L’histoire de Marc montre comment le rôle d’imposteur peut émerger dans un contexte familial où les attentes (réelles ou imaginées) sont vécues comme écrasantes. Sa confession, bien qu’inconfortable, est un pas vers la réconciliation avec son Moi authentique, un processus essentiel en psychanalyse pour se libérer des fardeaux imposés par le surmoi et les projections familiales.

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